La Parole de Dieu répandue en abondance porte inéluctablement son fruit car elle est habitée par une force irrésistible. Elle ne manque jamais son but, dit Isaïe, jamais elle ne retourne à Dieu sans avoir accompli sa mission.
Pour Jésus, la puissance de la Parole, semence, ne peut s’exercer qu’avec la complicité du terrain. D’ailleurs tout ce qui se passe entre Dieu et nous revêt la forme de l’Alliance : pour que l’amour puisse naître, il faut être deux. Cette constatation indiscutable pourrait nous inquiéter : les chrétiens pour lesquels Matthieu rapporte ces propos de Jésus voient bien et souffrent que l’annonce de l’Évangile ne transforme pas vraiment les païens et les juifs auxquels il s’adresse. Et si nous regardons autour de nous, nous constatons qu’il en est de même aujourd’hui.
Alors nous nous demandons quel terrain nous sommes, et le bilan que nous faisons se révèle le plus souvent navrant, voire désespérant. La vérité c’est que chacun de nous est sans doute comparable à tous ces terrains, selon les moments.
Mais Matthieu ne veut-il pas nous faire découvrir autre chose ? Cette parabole nous révèle « les mystères du Royaume des cieux. » Quels sont ces mystères ? Justement qu’il ne faut pas s’étonner du fait que l’annonce de l’Évangile rencontre si peu d’audience. Et l’évangéliste vient nous dire, comme il y a deux mille ans, « n’ayez pas peur » car le Seigneur l’avait annoncé. Il suffit qu’il y ait dans le monde un peu de bonne terre pour faire fructifier la semence. C’est ce « petit reste » qui est le sel de la terre, qui lui donne du goût pour Dieu. De même que tous sont sauvés par la grâce d’un seul, de même un seul peuple parmi les peuples porte l’espérance du monde. Le peu d’impact de l’Évangile sur nos sociétés ne peut pas stériliser la semence. La Parole est bel et bien enfouie dans la terre. Jésus dira, et Paul répétera, qu’il faut qu’elle y meure pour faire germer la vie.
Or les terrains ne sont pas figés, mais évoluent, y compris les terrains pierreux. Rappelons-nous la proclamation de Jean-Baptiste aux pharisiens en leur montrant les cailloux du chemin : « De ces pierres, Dieu peut faire des enfants d’Abraham » (Mt 3,9). Et Jésus lui-même entrant à Jérusalem dira : « Si [les disciples] ne parlent pas, les pierres crieront » (Lc 19,40). Oui, Dieu ne cesse de travailler tous les terrains que nous sommes pour qu’ils deviennent enfin une bonne terre.
Abbé Frédéric Fermanel