Jadis, un Pharaon cruel avait ordonné le massacre des nouveau-nés juifs. Jésus est à peine né qu’un roi, cruel lui aussi - Hérode - ordonne le massacre des petits garçons de moins de deux ans, à Bethléem et dans la région. Jadis, Moïse, pour fuir Pharaon, s’était réfugié à l’étranger. Jésus, lui, échappe à la tuerie grâce à Joseph qui l’emmène avec Marie en Égypte. Tout danger écarté, Moïse était revenu en Égypte, car, nous dit le livre de l’Exode, « ceux qui en voulaient à sa vie étaient morts. Moïse prit alors sa femme et son fils, les mit sur son âne, et retourna en Égypte. » Jésus aussi, tout danger écarté, est ramené au pays, car, dit Matthieu avec les mots mêmes de l’Exode « ils sont morts, ceux qui en voulaient à la vie de l’enfant. Alors Joseph se leva, prit l’enfant et sa mère, et rentra au pays d’Israël. »
Pour St Matthieu, Jésus est comme un nouveau Moïse, qui devient le guide d’un nouveau peuple. Mais voici la nouveauté : un peuple qui rassemblera toutes les nations.
C’est en Galilée qu’aboutit l’exode de cette famille. Or, Galilée veut dire « carrefour des païens. » C’est un pays méprisé par Israël, parce que juifs et païens y sont mêlés. C’est pourquoi quand cette famille s’installe en Galilée, sans le savoir, elle met Jésus au coeur de sa mission, qui consiste justement, comme l’écrit St Jean, à « rassembler les enfants de Dieu dispersés » pour ne faire qu’un seul peuple. De fait, c’est là, en Galilée, qu’un jour Jésus donnera rendez-vous à ses disciples pour un envoi universel : « Allez ! De toutes les nations faites des disciples ! »
C’est donc le dessein de Dieu qui s’accomplit, mais il s’accomplit grâce à la foi exemplaire d’un homme : Joseph, cet homme dont nous n’avons pas une parole, mais auquel Dieu parle beaucoup. Il sait écouter et illustre ce qu’on appelle l’obéissance de la foi : obéir c’est d’abord écouter, écouter jusqu’au bout, et accueillir une parole qui portera du fruit si elle est semée dans un coeur ouvert.
Joseph se comporte ici comme un chef de famille, responsable de deux êtres d’ailleurs présentés de façon anonyme : « l’enfant et sa mère ». Mais nous savons que cet enfant s’appelle Jésus, et que ce nom veut dire « Dieu sauve ». Par un paradoxe étonnant, c’est donc à un homme et à une femme comme nous qu’il est demandé de sauver l’enfant sauveur. C’est dire à quel point, en prenant notre chair, Dieu s’est remis entre nos mains. Ce petit enfant en péril, qui est notre Sauveur, a besoin, dès sa naissance, d’être protégé, par la foi et l’amour d’un homme et d’une femme de notre chair. Tel est le respect infini de Dieu pour nous : c’est lui qui nous sauve, mais il ne nous sauve pas sans nous.
Abbé Frédéric Fermanel