Ce 4e dimanche de carême est consacré à la joie : fruit de l’Esprit Saint, cette joie n’est pas qu’un revêtement extérieur mais bien l’expression de toute notre existence vécue dans la lumière du Christ. La joie chrétienne est une joie filiale : c’est donc une qualité de l’être, qui nous vient de notre être même, créé à l’image et à la ressemblance de Dieu. La joie est donnée pour restaurer en nous cette ressemblance marquée par le péché et qui ne demande qu’à retrouver sa beauté initiale dans le regard de Dieu. Cette joie se manifeste dans l’Espérance. L’Espérance est une vertu théologale qui s’applique à notre mémoire : elle nous permet de relire notre expérience pour en découvrir toutes les traces du passage de Dieu, et plus particulièrement sa fidélité dans sa promesse d’Alliance. St Luc nous amène à relire ainsi l’expérience d’Israël, et la nôtre, sous l’éclairage de la réconciliation. Cette parabole du fils prodigue nous rappelle d’abord que les obstacles à la joie sont nombreux : il y a notre liberté, cette part d’héritage que le père nous donne et que nous pouvons gaspiller en futilité. Il y a le ressentiment qui conduit l’aîné à ne pas reconnaître en celui que son père accueille son propre frère : « ton fils que voilà… ». Il y a notre honte lorsque nous considérons notre péché, conséquence de notre orgueil : comme le fils prodigue nous préférons nous débrouiller avec notre péché, garder un troupeau de porcs, perdre notre dignité plutôt que de perdre la face en reconnaissant que nous avons eu tort. Il y a la jalousie qui engendre la colère et nous fait refuser la logique d’amour du père : « Voilà tant d’année que je te sers… », Tu me dois quelque chose ! Notre justice ne se fait pas amour mais comptabilité !
Il y a pourtant des signes joyeux d’espérance : « Réfléchissant, il se dit… ». Du fond de la mémoire nous revient le souvenir de la félicité dans laquelle nous vivions près du père. C’est en quelque sorte les germes du bonheur auquel nous aspirons. Pourtant, pour que le fils puisse partager la joie du père, il faut qu’il reconnaisse lui qu’il a péché, qu’il y a mis de la bonne volonté à se perdre, comme il en met maintenant à revenir. Être vrai, voilà ce qui libère la joie dans le fils. Être Vrai pour pouvoir accueillir le pardon de son père. Un pardon qui guérit, qui restaure dans la dignité de fils celui qui était gardien de porcs. Alors la joie peut se manifester dans la fête.
Cette fête de la joie, l’aîné ne veut pas y entrer. A lui aussi le père vient : entre te réjouir avec nous ! Lui aussi a besoin d’être pardonné, mais à la différence qu’il ne le sait pas ou ne veut pas le savoir. Nous ne savons pas quand nous serons en mesure de nous laisser approcher par Dieu, mais il est de notre devoir de ne pas laisser la joie de Dieu en nous devenir aussi aigre que dans le coeur du fils aîné. Comme le fils prodigue apprenons à nous aimer tels que nous sommes, avec nos péchés, souvent les mêmes, et nous saurons alors nous laisser aimer par Dieu.
Abbé Frédéric Fermanel