Notre foi au Christ nous tourne vers l’avenir : nous attendons celui qui vient vers nous, depuis toujours. Il est venu et il reviendra pour prendre possession de ce Royaume dont il a jeté les bases et qui demande encore à être achevé. Ce Royaume est comme un mystère de communion ; là où des hommes et des femmes vivent entre eux un amour fraternel tel que le Christ l’a vécu, là où des pauvres sont aimés et servis, le Royaume de Dieu est présent. Mais, de toute évidence, commencé, il n’est pas encore pleinement là, et entre le début et l’achèvement, il y a toute l’histoire de l’humanité, il y a chacune de nos histoires personnelles. Car ce Royaume, qui n’est pas de nous, ne s’instaure pas sans nous, puisqu’il est pour nous. Il nous est donné mais il ne nous est pas imposé ; il nous faut donc l’accueillir, en vivre, c’est à dire laisser l’amour, qui est la loi de ce Royaume, qui est Dieu lui-même, faire sa demeure en nous, et nous traverser pour aller vers les autres.
Ainsi ce Royaume caché est à l’œuvre depuis toujours, jusqu’à ce qu’il soit pleinement réalisé et révélé dans la lumière du Ressuscité. Quand le Christ reviendra, c’est à sa Lumière que nous comprendrons alors notre vie, en y relisant la façon dont nous aurons accueilli le Royaume. Nous ne serons donc pas jugés : c’est nous qui nous jugerons, selon la façon dont nous aurons accueilli la lumière du Christ. Que ce mot de « jugement » ne nous fasse pas peur, car la lumière du Christ ne se contente pas d’éclairer le fond des cœurs ; en les éclairant, elle les guérit. C’est ce que dit St Paul : « Tout ce qui vient à la lumière devient lumière. »
Comment bien vivre ce temps de l’Avent ? Veillez, tenez-vous prêts à accueillir celui qui peut venir à tout moment, comme un voleur. Mais, quand il viendra, saurons-nous le reconnaître ? Sur ce point, Jésus est clair : « N’écoutez pas ceux qui vous diront : Il est ici…il est là ! » La vérité, c’est qu’il est toujours déjà là, selon l’expression de Maurice Zundel : il nous visite dans le tissu quotidien de nos vies qu’Il vient remplir de sa présence, mais, n’en doutons pas, Il vient aussi dans les moments où il paraît le plus absent. Et puis, Il désire tellement nous rejoindre qu’il arrive aussi que nous le rencontrions sur les chemins que nous prenons pour l’éviter.
Car il se peut que nous ayons peur de sa venue, surtout quand nous sommes lassés de nos faiblesses et notre médiocrité. Pourtant le Christ n’a eu pour ceux qui le faisaient mourir, et donc pour nous, que des paroles de pardon : « Père, at-il dit, pardonne leur ! » Or, le Père fait toujours ce que le Fils lui demande. L’Église nous dit aujourd’hui : « Réveillons-nous, sortons de notre torpeur, de notre insouciance, de notre légèreté, et n’oublions pas qu’à tout moment le Christ désire nous rencontrer. » Oui, désirons-nous vraiment le rencontrer ?
Abbé Frédéric Fermanel