Le récit de la Transfiguration de Saint Luc est plus long et plus riche que ceux de Matthieu et de Marc. Luc est le seul à parler de la gloire. Il dit en effet : « Moïse et Élie apparus dans la gloire », et surtout : « Pierre et ses compagnons étaient accablés de sommeil ; mais, se réveillant, ils virent la gloire de Jésus, et les deux hommes à ses côtés. » Ils virent la gloire de Jésus ! Les biblistes nous disent qu’en hébreu le mot qui signifie gloire implique l’idée de poids. Non pas tant la renommée, que la valeur, le poids et l’importance réelles. Ainsi, la Bible de Bayard traduit plusieurs fois gloire par importance. Et pour la Transfiguration elle traduit : « Ils le virent dans l’éclat divin ». En effet dans la Bible le mot gloire implique le rayonnement, l’éclat de la beauté. Une lumière qui vient déjà de la Résurrection du Christ, et qui éclaire notre marche de carême, au creux de la grisaille de l’hiver. Une lumière intérieure qui éclaire notre foi, qui nourrit notre espérance, et qui nous portera jusqu’à notre propre résurrection.
Nous qui sommes déjà illuminés par le baptême, et qui célébrons chaque année la lumière du Christ à la veillée pascale, nous n’avons pas à regretter de n’avoir pas été sur la montagne avec Pierre, Jacques et Jean. Car ce récit de la Transfiguration nourrit notre foi et notre connaissance du Christ. En mettant en résonance la figure du Christ avec celle de Moïse et celle d’Élie, ce récit nous fait comprendre comment le Christ accomplit les Écritures. Il accomplit la Loi, représentée par Moïse ; et les Prophètes, représentés par Élie.
Comme Moïse sur la montagne, et Élie au désert, Jésus a jeûné quarante jours. Comme Moïse a vécu l’Exode, à travers le désert jusqu’en terre promise, et comme Élie a dû s’exiler de Jérusalem persécuté par la reine Jézabel, Jésus va accomplir son exode en plein Jérusalem : il va être condamné et mis à mort comme un bandit, pour ressusciter le troisième jour. Comme Moïse et Élie sur la montagne, Jésus entend la voix du Père. Mais lui n’est plus seulement le libérateur du peuple, ni le prophète qui doit venir, il est le Fils. Le Fils unique. « De la nuée une voix se fit entendre : Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi, écoutez-le. » Que cette parole du Père ne cesse de retentir à nos oreilles durant tout le carême, pour fortifier la confiance que nous mettons dans le Fils unique.
Abbé Frédéric Fermanel