Dans l’évangile de ce dimanche, nous lisons : « si ton frère a commis un péché, va lui parler seul à seul et montre-lui sa faute. S’il t’écoute, tu auras gagné ton frère... » À noter que Jésus ne parle pas seulement d’un mal commis contre nous, mais de n’importe quel type de mal. Alors comment réagir quand nous sommes témoins d’un mal grave ou même directement touchés par lui, au point que nous sommes blessés et que la relation est cassée ? Que faire quand celui qui nous a blessés est très proche ? Subir et se taire en laissant ce mal nous ronger ? Riposter pour se venger ? Aller en parler à des tiers pour se plaindre ou accuser ? Aucune de ces trois solutions n’a été retenue par l’évangéliste. « Va trouver ton frère... » Il est facile de parler à tort des absents, mais plus difficile d’aller trouver celui qui nous a blessés ou a causé un mal aux graves conséquences.
L’évangéliste nous rappelle l’exemple de Jésus, le bon berger qui va à la recherche de la brebis perdue ou du Père qui se précipite vers son fils prodigue. Moi, aller à la rencontre de celui qui m’a fait du mal ? Je me sens trop faible pour cela ! Je crains de me mettre en colère ! Il n’est pas nécessaire de revenir sur le passé ! C’est à lui de faire le premier pas ! Justement non ! L’Évangile nous invite à trouver le courage de verbaliser nos reproches à celui qui nous a offensé, pour lui expliquer combien sa faute nous a blessé et lui offrir sincèrement notre présence, notre désir de retrouver une relation bonne et vraie.
Il se peut que notre parole ne soit pas entendue. Jésus conseille de prendre alors un ou deux témoins avec soi, afin que notre frère se rende compte que nous ne venons pour le condamner ou nous venger, mais pour assainir la relation. Et s’il ne nous écoute pas, portons l’affaire devant l’Église, cette communauté où l’on peut vivre avec le Christ la grâce du repentir et du pardon. Et si notre frère n’écoute pas l’Église, va-t-on l’abandonner parce que c’est « un païen ou un publicain » ? Comme Jésus le faisait pour les publicains et les pécheurs, il faut continuer à le traiter avec douceur et bonté, sûr de vaincre le mal par le bien, avec la force du Christ. On se rappellera aussi l’enseignement de Jésus, qui invitait à regarder la poutre qui est dans notre oeil avant la paille dans l’oeil de notre frère. Et moi, suis-je capable de recevoir une correction fraternelle ? Il n’y a pas que le devoir de corriger, mais aussi celui d’être prêt à se laisser corriger ! Pour corriger les autres, je dois être prêt à me laisser corriger.
Pour savoir concrètement s’il vaut mieux parler ou se taire, corriger ou laisser courir, pensons à ce que dit l’apôtre Paul : « frères, ne gardez entre vous aucune dette, sauf la dette de l’amour mutuel... » (Rom 13,8). Peu importe ce que nous déciderons de faire. Ce sera bien s’il y a une disposition à l’amour dans notre coeur, car « l’amour ne fait rien de mal au prochain... »
Abbé Frédéric Fermanel