L’Écriture nous dit quelque chose que, ni la science, ni l’expérience ne peuvent nous apprendre : nous sommes appelés à vivre avec Dieu et notre mort corporelle, que réparera la résurrection de la chair, est le châtiment du péché. Dans l’humanité, hommes et femmes, créatures voulues à l’image de Dieu, il y a cette haleine de vie qui est insufflée et qui ne peut être que la vie même de Dieu, cette vie qu’il est cependant possible de refuser, en péchant. Car nous sommes libres et cette liberté doit avoir pour nous un tout autre sens que la simple possibilité de choisir, ce qui constituerait une sorte de piège de la part du Créateur. Elle est liée à notre vocation qui est de vivre avec Dieu. Elle est au service d’un développement qui, parce que nous sommes libres, n’est pas entièrement « programmé », comme celui des autres vivants ni même celui de notre corps qui connaît des maladies génétiques. Mais elle conditionne notre vie qui est faite, dans le monde, de relations libres avec les autres et avec Dieu, et notre développement personnel qui dépend de nos propres choix. Ce qui veut dire que nous sommes appelés à nous faire nous-mêmes dans la liberté, non pas contre Dieu ni sans lui, mais avec lui, et le jugement dernier ne sera rien d’autre que la reconnaissance de ce que nous nous serons faits : de ce que nous serons librement devenus pour Dieu, dans l’ordre de la charité. Dès lors, que signifie notre mort physique ? Nous ne pouvons pas, en tant que chrétiens, nous contenter de dire qu’elle est « normale », comme chez tous les vivants, car elle est proprement pour nous, contre nature : non seulement elle vient détruire notre intégrité par la dissolution de notre corps, mais elle brise la réciprocité de nos relations qui passaient par le langage et les signes, c’est-à-dire par notre corps vivant… Et : « il en coûte au Seigneur de voir mourir les siens » (Ps 116, 15) ? Oui, notre mort parce qu’elle détruit notre capacité de « signifier », qui nous fait hommes, n’est pas « normale » et, puisque Dieu est juste, elle ne peut être qu’un châtiment. Mais un châtiment qui frappe indistinctement les coupables et les innocents ? C’est là que prend tout son sens ce que saint Augustin a nommé « péché originel », et qui ne dit rien d’autre, à partir des Écritures, que cet état de péché dans lequel nous naissons tous, du fait du péché d’un seul, dans l’ignorance et l’incapacité de répondre à notre vocation d’homme. C’est de cet état que nous sauve un autre homme, dont la naissance fut tout aussi extraordinaire que celle du premier, ce Christ qui, pour nous, « s’est fait obéissant jusqu’à la mort et la mort sur une croix » (Ph 2,8), qui a traversé notre mort, mais pour en sortir vainqueur et nous prendre avec lui sur le chemin de la vraie vie. « Car si l’esprit de celui qui a ressuscité Jésus-Christ d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus-Christ d’entre les morts vivifiera aussi vos corps mortels par cet esprit de son Fils, qui habite en vous » (Rm8,11).
Abbé Frédéric Fermanel