Disciples de Jésus-Christ, nous sommes des pèlerins, parcourant les mêmes routes humaines que nos contemporains. Nous ne vivons pas dans un autre monde. Mais dans cette marche avec tous, dans cette histoire commune, nous faisons – comme Cléophas et son compagnon – l’expérience d’être rejoint par l’Inconnu, par le Christ, alors même que le jour baisse. Pour les deux disciples, Jérusalem dont ils s’éloignent ne peut plus rien apporter. « Nous qui espérions qu’il serait le libérateur d’Israël ! »
Les deux disciples n’ont jamais vraiment vu Jésus. Sur le chemin il reste un étranger, « leurs yeux étaient aveuglés, et ils ne le reconnaissent pas » nous dit Luc. Est-ce parce que le nouveau mode de présence du Christ est inaccessible aux sens ? Est-ce parce qu’inconsciemment les deux disciples refusent qu’il soit vivant ? Peu importe au fond mais nous en sommes tous là : Jésus ne nous rejoint désormais qu’à travers les autres hommes, qu’à travers l’humanité... si du moins nous croyons qu’il est vraiment ressuscité. Les deux disciples le reconnaissent quand il partage le pain avec eux mais déjà il n’est plus là : il ne leur reste que le pain. La formulation de Luc se rapporte clairement à l’Eucharistie. « Il prit le pain, le bénit et le leur donna ». Que reste-t-il aux disciples pour tenir dans la foi ? Que nous reste-t-il pour nourrir notre foi, pour la faire grandir ?
D’abord les Écritures. Nous acceptons de nous mettre à l’écoute de l’Inconnu expliquant dans toutes les Écritures « ce qui le concernait ». Moïse et les prophètes que Jésus explique aux deux disciples trouvent leur sens définitif : « Ne fallait-il pas que le Messie souffrît tout cela pour entrer dans la gloire ? »
Après les Écritures, la fraction du pain. Les disciples invitent à rester avec eux Celui qui leur avait ouvert les Écritures. À la fraction du pain, leurs yeux s’ouvrent et ils reconnaissent dans l’Inconnu Jésus, le crucifié, qui est vivant. Ce geste de la fraction du pain, indissociable de l’écoute de la Parole de Dieu, est le moment décisif de la reconnaissance du Christ au milieu des siens.
Après les Écritures, la fraction du pain, la communauté. Cléophas et son compagnon laissent là leur repas et repartent vers Jérusalem où ils vont trouver les Apôtres. Nous voyons naître l’Église, la communauté rassemblée au nom du Christ. Échange de paroles. Les Apôtres authentifient la foi en la Résurrection. « C’est vrai ! Le Seigneur est vraiment ressuscité : il est apparu à Simon-Pierre. » L’intelligence des Écritures conduit à la fraction du pain et au partage, et le partage fonde la communauté. « Ce Jésus, Dieu l’a ressuscité » - s’exclame Pierre le jour de la Pentecôte. Nous ne sommes jamais sans le Christ, et le Christ vivant : le Christ révélateur du visage du Père et de la vérité de l’homme. Cette conviction doit nous aider à « passer » - c’est cela la véritable « conversion » - vers la foi en cette Présence qui nous habite.
Abbé Frédéric Fermanel