« Tous ses amis se tenaient à distance ainsi que les femmes qui l’accompagnaient depuis la Galilée » (Lc 23,49). Paradoxe de cette fête des Rameaux : nous fêtons la joie de l’entrée messianique de Jésus à Jérusalem et nous entendons aussi comme en anticipation le récit de toute la semaine qui suivra… où Jésus se retrouvera seul. Seul avec son Père. « Père, entre tes mains, je remets mon Esprit » (Lc 23,46).
Ne croyons pas que nous aurions été meilleurs que tous ceux qui étaient présents à Jérusalem. Nous sommes aujourd’hui la multitude qui acclame avec joie (Lc 19,37) comme nous serons celle qui se lamentera (Lc 23,27). « Je ne vaux pas mieux que mes pères » (1R 19,4), disait le prophète Elie. Ces disciples et ces femmes, qui étaient là il y a deux mille ans, n’étaient ni meilleurs ni pires que nous. Ils étaient comme nous et Jésus leur a pardonnés. Ils étaient comme nous et Jésus les a aimés.
Disons-le : il ne s’agit pas en ces jours d’abord de ressentir des émotions, mais d’accepter, humblement, de nous « tenir à distance » de nous tenir à la juste distance… Et si nos cœurs nous semblent comme des pierres, souvenons-nous que Dieu seul peut des cœurs de pierre que nous sommes « faire surgir des enfants à Abraham » (Luc 3,8) et susciter en nous la foi.
Jésus, Lui de condition divine, n’a pas revendiqué le rang qui l’égalait à Dieu mais il s’est fait homme... manifestant l’éminente dignité de la personne humaine. Des hommes l’ont compris qui, dans leur corps et leur coeur, subissent la répression, l’emprisonnement, la torture et la mort, parce qu’ils osent revendiquer le respect de l’homme, de tout homme, de tout l’homme. Jésus s’est montré fidèle au Père, fidèle aux hommes, fidèle à lui-même. Alors que des chrétiens sont humiliés partout dans le monde (en Irak, aux Karens, en Chine, au Soudan, en Algérie, etc. et même en Europe), ne renions, ni notre foi en Jésus-Christ, ni notre engagement à le suivre, ni notre lutte pour la dignité humaine. En Jésus, l’homme créé à l’image de Dieu est bafoué et humilié.
Mais la passion de Jésus nous montre aussi que c’est dans cette humiliation que l’homme retrouve sa dignité de fils de Dieu. N’ayons pas peur d’être signe de contradiction en renouvelant dans la Pâques du Seigneur notre vitalité spirituelle. Notre attention pour les démunis et les pauvres, les persécutés et les humiliés doit devenir pour nous reconnaissance de ce roi pacifique qui a voulu nous donner ce signe ultime du royaume à venir, un royaume de paix, de justice et d’amour. Que notre amour se mette dans les actes plus que dans les paroles. Que notre foi ne soit pas sentimentale mais active. Que notre espérance ne soit pas passive mais persévérante.
Souviens-Toi de nous, Seigneur, « quand tu viendras avec ton Royaume » comme nous nous souvenons aujourd’hui de Toi en priant pour que « Ton règne vienne ».
Abbé Frédéric Fermanel