« Va, dit Jésus à la femme, et désormais ne pèche plus » ; « Ne vous souvenez plus d’autrefois, dit le Seigneur en Isaïe, ne songez plus au passé. Voici que je fais un monde nouveau : il germe déjà, ne le voyez-vous pas ? » Et St Paul d’ajouter : « Une seule chose compte : oubliant ce qui est en arrière, et lancé vers l’avant, je cours vers le but… » Ne concluons pour autant que le passé n’a aucun poids mais il ne nous enchaîne pas. La femme adultère voit s’ouvrir devant elle un nouvel avenir, alors que son passé la conduisait devant sa fin.
Les Pharisiens ne comprenaient pas l’attitude de Jésus tant ils étaient préoccupés par le péché. Sa miséricorde envers les pécheurs, la compassion manifestée lorsqu’il se trouvait en leur présence les surprenait et même les scandalisait. Ils enfermaient les personnes dans des catégories : « dans la Loi, Moïse nous a ordonné de lapider ces femmes-là. Et toi, qu’en dis-tu ? »
La femme qu’ils ont amenée à Jésus n’est pas pour eux une personne avec un nom et une histoire. Elle est simplement « une de ces femmes-là. » Ne faisons-nous pas souvent la même chose, sur un plan personnel ou de manière plus générale ? Selon la Loi, le témoin d’un crime devait lancer la première pierre lors de la lapidation d’un criminel... En indiquant « celui qui est sans péché » Jésus ramène les accusateurs à leur propre conscience. Ils partent tous, l’un après l’autre, reconnaissant ainsi qu’ils sont, eux aussi, pécheurs. Debout l’un et l’autre, Jésus et cette femme se regardent en face. Personne ne peut se trouver en présence du péché sans être troublé, sans doute parce que le péché de l’autre lui rappelle les siens propres. Il n’y a que Dieu qui puisse regarder paisiblement le pécheur ; et en présence de Dieu le pécheur peut se tenir debout et garder toute sa dignité, malgré son péché. Jésus marque de l’intérêt pour le pécheur, et non pour le péché.
Jésus peut s’adresser alors à la femme, la restaurant dans sa dignité d’être humain : jusqu’ici personne ne lui avait parlé, ce qui faisait d’elle une simple pièce du piège tendu à Jésus ; maintenant elle entend la parole de Vie : « va », mot de la liberté retrouvée, de la route qui s’ouvre alors qu’elle butait contre le mur de la mort. « Ne pèche plus » : pour cela il faudra l’Esprit Saint, fruit de l’abaissement et du relèvement du Christ emportant le péché du monde.
En ce temps de Carême, Dieu veut que nos regards soient tournés vers la joie de La Résurrection : qu’au lieu de ruminer nos péchés passés, nous nous acheminions d’un pas ferme vers une vie nouvelle où le péché n’aura jamais le dernier mot.
Abbé Frédéric Fermanel