En matière religieuse, l’enthousiasme et l’exaltation ne sont jamais bonnes conseillères, et la réserve des disciples, leur peur même devant le message à diffuser, leur incrédulité, pourraient bien nous enseigner quelque chose de fondamental. Si vraiment la résurrection de Jésus est une nouvelle inouïe, sans précédent, une réalité sans commune mesure avec ce que nous vivons au quotidien, comment pourrait-on la contenir dans notre intelligence ? Comment pourrait-on la diffuser comme une chose devenue banale ? Comment serait-il possible de la monnayer comme de l’évident ou de l’immédiatement accessible ? On opérerait alors un « faux monnayage » à l’égard d’une expérience dans laquelle on ne peut entrer que peu à peu, qui ne peut que se dévoiler avec le temps, en ayant travaillé, bouleversé, retourné, converti celles et ceux qui l’ont d’abord accueilli sans comprendre, sans pouvoir comprendre.
C’est pourquoi Jésus promet à ses disciples, dépassés par l’événement, que l’Esprit leur sera donné ; et cette annonce de la Pentecôte indique qu’en effet ils ont encore du chemin à faire, qu’ils ont à s’ouvrir à ce qui leur échappe, qu’ils ont à être initiés pour entrevoir un peu mieux ou un peu moins mal de quoi il s’agit. Comment ne pas comprendre que l’expérience des disciples est aussi la nôtre ?
Admettons que nous ne comprenons pas bien et que nous avons besoin de l’Esprit pour grandir dans une expérience qui nous dépasse. Jésus doit forcer la porte de notre entendement et de notre coeur pour qu’Il nous explique les Écritures et pour que nous échappions à nos doutes et à nos peurs. On pourrait penser qu’une fois l’Esprit advenu, la clarté va nous envahir, que tout sera net et bien compris, bref que la résurrection du Seigneur aura en quelque sorte « perdu » son mystère. Comme si l’Esprit venait boucler, fermer, conclure ce qui doit rester ouvert, béant, toujours mystérieux. Bien au contraire il nous faut avouer que, même animés de l’Esprit, nous ne sommes jamais bien assurés de croire ce que nous professons croire, que l’objet de notre foi nous reste toujours à distance. Cette distance veut dire que la Résurrection du Seigneur suscitera toujours en nous l’étonnement, la stupeur, la surprise, qu’elle ne sera jamais réduite à du bien connu, à du familier vulgaire et disponible. Cette ouverture sera alors la condition de notre croissance dans la foi. L’attente de l’Esprit est donc l’attente de cet émerveillement qui augmentera en nous le désir de croire et de comprendre, en sachant qu’un tel désir ne sera jamais saturé ou satisfait, puisqu’il y va du désir de Dieu même.