…Mais pour pouvoir en rendre compte devant les autres, il faut d’abord pouvoir en rendre compte à nous-même ; il faut que nous puissions comprendre ce que nous professons. La foi chrétienne suppose donc tout un travail personnel d’appropriation et d’assimilation. Il nous faut en quelque sorte évangéliser notre intelligence et notre raison, sans quoi nous ne serions pas fidèles au Créateur qui nous a doué d’intelligence et de raison. C’est dire que la foi se cultive. Nous nous cultivons dans l’art du piano, ou dans le sport ; nous nous exerçons à pratiquer les langues ou les mathématiques ; nous cherchons à progresser dans notre profession. Pourquoi en serait-il autrement à l’égard de la foi ? Beaucoup de chrétiens semblent tenir qu’on est chrétien une fois pour toutes. Or la foi se cultive, sinon elle dépérit, de même que sans exercice nous oublions la pratique du piano, du sport ou des langues. Sommes-nous toujours conscients de la nécessité de cette tâche et de ce travail sur nous-mêmes ? Chacun peut s’interroger : que fait-il pour se cultiver chrétiennement, quelles lectures de l’Écriture sainte, de livres spirituels ou théologiques, à quels groupes de réflexion et de formation participe-t-il ?
Certes cette culture de notre foi ne se fait pas sans mal. Beaucoup de chrétiens la redoute, ou en ont peur, parce qu’en effet toute formation intellectuelle déplace des évidences ou bouscule des préjugés auxquels on ne veut pas toucher. La culture de notre foi nous fera assurément bouger, elle nous transformera, et il se peut que la transformation soit douloureuse, comme toute croissance ; elle aboutira à ce que nous nous déplacions, mais ne doit-on pas s’attendre à un épanouissement qui nous fera grandir dans une meilleure intelligence de Jésus-Christ et dans une vie plus véritablement évangélique, et non pas à une perte ? Les moyens de cette formation ne manquent pas aujourd’hui dans l’Église. Savons-nous en tirer parti pour une vie chrétienne plus authentique ? ou sommes-nous prisonniers d’une peur secrète de voir s’effondrer un système d’idées que nous prenons pour la foi en Jésus-Christ.
Ce travail est la condition pour que nous puissions rendre compte devant les autres. Si nous ne sommes pas au clair ou relativement au clair, sur notre engagement dans la foi, comment en rendrions-nous compte à ceux qui en ignorent la beauté et la grandeur ? Que l’Esprit de sagesse et d’intelligence nous donne le goût de ce travail personnel intérieur à la foi. Si la parole de Dieu trouve crédit et force devant notre esprit, notre parole et notre vie trouveront les chemins secrets chez le non-croyant pour qu’à son tour il découvre la beauté et la grandeur du message chrétien.
Abbé Frédéric Fermanel