« Deux hommes montèrent au Temple pour prier ». Quand ils rentrèrent chez eux, l’un était « devenu juste » et l’autre, non. Jésus a tranché comme un juge. Il prend acte des deux prières. Le pharisien a dit la vérité (selon la Loi, il n’est ni voleur ni adultère), mais il ne veut pas faire toute la vérité ; il ne veut pas que Dieu la fasse en lui. Son action de grâce s’est repliée sur elle-même ; elle montre qu’il est menteur. De son côté, le publicain a été tout entier dans sa supplication. Il a reconnu son péché, sans loucher sur celui des autres. Jésus y a vu l’œuvre du pardon de Dieu, qui seul peut rendre juste.
Le pharisien a pris la Loi pour maître. Il l’observe à la lettre, mais ce n’est pas pour plaire à Dieu ; c’est pour se faire valoir et pour juger les autres. Au Temple, il tient son regard tourné vers le ciel, mais rien ne lui échappe. Le publicain qui est entré et qui reste à distance, il le méprise. Collaborateur des romains au service des impôts, il est forcément malhonnête. D’ailleurs, quand il prie, il n’ose même pas lever les yeux. Il se frappe la poitrine, et il y a de quoi !
« Mon Dieu, je te rends grâce… » Les autres Te bénissent parce qu’ils ont reçu de Toi des dons qu’ils ne méritent pas. Moi, j’ai une bonne raison de rendre grâce : « je ne suis pas comme » eux. Ils demandent pardon parce qu’ils sont pécheurs. Moi, je me glorifie parce que je suis juste. Je n’ai rien à te demander, rien qu’un peu de reconnaissance. Dans cette caricature de prière, le moi du pharisien a pris toute la place. Il s’est mis à la place de Dieu, qui seul est juste et saint.
Autant le pharisien est convaincu de son bon droit, autant le publicain avoue qu’il est indigne. C’est ce qui fait la force de son cri : « Mon Dieu, prends pitié du pécheur que je suis ». Il ne se redresse pas lui-même, il n’enfle pas la voix, mais sa supplication va traverser les cieux car elle est pure de toute prétention. Quand un pauvre a crié, Dieu l’écoute et le sauve. La foi du publicain s’accorde avec le psaume de ce dimanche.
A chaque Eucharistie, nous nous reconnaissons pécheurs et nous implorons le pardon de Dieu. Il n’y a pas d’autre chemin pour communier au Corps du Christ et pour entrer dans son action de grâce et sa mission. Comme Saint Paul, ce grand pharisien converti, fier, lui aussi, d’observer la Loi et sûr de sa justice. Il approuvait quand on a lapidé Étienne. Sur le chemin de Damas, le Seigneur l’a saisi pour qu’il soit son témoin au milieu des nations païennes. Il s’est laissé saisir et il est devenu l’un des premiers par qui la foi nous a été transmise. En cheminant vers la fête de la TOUSSAINT, entendons-le nous redire comme à Timothée : « Je suis déjà offert en sacrifice…J’ai mené le bon combat… j’ai gardé la foi. Je n’ai plus qu’à recevoir la couronne de justice : le Seigneur, le juste juge, me la remettra en ce jour-là » (Tm 4,6-8). A notre tour, laissons-nous renouveler dans notre manière de prier pour que l’Évangile mette en nous le désir de rejoindre le Christ dans le sein du Père. De le rejoindre avec tous nos frères les Saints.
Abbé Frédéric Fermanel