Une majorité de Français se déclare pour l’aide à mourir, nous dit-on, mais ce sont des Français en bonne santé que l’on interroge, des Français qui ont peur de la souffrance possible à l’approche de la mort, et c’est légitime. Ceux qui ont un jour rencontré des soignants dans un service de soins palliatifs savent que les personnes qui sont accompagnées dans ces services ne demandent pas la mort. Elles demandent à être soutenues dans leur chemin, soulagées dans leur douleur, entourées si l’angoisse vient. Et ces personnes, ainsi que leurs proches, sont effectivement soutenues, soulagées, entourées. On regrette (…) que les soins palliatifs ne soient pas partout accessibles, que le précédent plan de déploiement sur le territoire n’ait pas été achevé. C’est pourquoi nous accueillons comme indispensable l’accélération de la mise en place sur tout le territoire des soins palliatifs prévue dans le projet de loi dont l’examen débute au Parlement (...)
Comment pouvons-nous croire que nos établissements de santé pourront le supporter, ces mêmes établissements où les soignants se dévouent de toutes leurs forces, avec courage et humanité, sans toujours parvenir à accompagner leurs patients faute de moyens, faute de personnels ; où parfois, malgré les efforts des médecins et des infirmiers, on meurt dans les couloirs des urgences sans avoir été pris en charge ? (...)
D’autre part, le parcours naturel de toute loi sociétale est de voir son champ
d’application s’élargir au fil du temps, de sorte qu’en l’espace d’une génération, un texte qui ne concernait que quelques cas exceptionnels, devient d’application bien plus vaste. Pouvons-nous vraiment croire que le cadre fixé aujourd’hui demeurera inchangé pour les années à venir ? Et le premier critère à disparaître (…) ne sera-t-il pas celui d’un pronostic vital engagé, ouvrant ainsi la voie à l’euthanasie ou au suicide assisté pour des personnes en situation de handicap ou de dépression ? (...)
Croyants et non croyants, citoyens que nous sommes, nous sommes nombreux à ne pas pouvoir nous résoudre à ce changement définitif de paradigme. Nous avons déjà manifesté à de nombreuses reprises combien, davantage qu’une aide à mourir, c’est d’une aide à vivre dont notre société a besoin. S’il existe encore une liberté à conquérir, c’est, aujourd’hui, la liberté de ne pas être poussé vers la sortie, de bénéficier de tous les soins, de toutes les cures possibles jusqu’à ce qu’il ne soit plus raisonnable d’aller plus loin. S’il existe encore un droit à reconnaître, c’est le droit d’être considéré comme une personne vivante, une histoire unique, une dignité ineffaçable, jusqu’au bout. La mort n’est là que quand la vie s’est éteinte, pas avant (...) Oui, en réalité la question qui nous est posée aujourd’hui est celle du regard que nous portons sur les personnes en fin de vie. Ne devrions-nous pas leur témoigner humanité et tendresse, en leur démontrant avec la simplicité et l’efficacité des gestes du soin qu’elles sont, comme les plus vulnérables, les
membres les plus précieux de notre corps social ? Ce que nous croyons, le témoignage que nous voulons porter, avec tous ceux qui sont engagés depuis des années dans cet accompagnement, c’est que le progrès et l’humanité d’une société se mesurent aussi à la manière dont elle considère les plus faibles, les plus petits et les plus fragiles, à la place qu’elle leur fait, à l’attention qu’elle leur manifeste (...)
Mgr Laurent ULRICH – Archevêque de PARIS -
Pour que nos vies deviennent Eucharistie...
9 juin 2024