L’image du roi-pasteur, empreinte de sollicitude et de tendresse tranche avec le mépris hautain de ceux qui habitent des palais somptueux. Voilà un roi proche de son peuple, qui s’implique en sa faveur, « le menant vers les eaux tranquilles et le faisant reposer sur des prés d’herbe fraîche » (Ps 22). C’est à cette lumière de la tendresse attentive du pasteur qu’il faut entendre l’exaltation de la royauté guerrière de celui qui triomphe de la mort après avoir détruit toutes les puissances. L’humilité du Roi vainqueur n’est d’ailleurs pas démentie, puisque sa victoire n’est pas au profit de son exaltation personnelle mais pour que « Dieu soit tout en tous ». Lorsque Jésus exerce le ministère de Juge universel, il parle encore au nom de son Père.
Quel n’est pas notre étonnement de n’entendre parmi les critères de discernement pour l’entrée dans le Royaume, aucune allusion à une confession de foi. Jésus ne peut pas demander aux hommes qui n’ont pas eu la chance d’entendre l’annonce de la Bonne Nouvelle, de proclamer sa Seigneurie : ceux-là, ce sont leurs œuvres de miséricorde en faveur des plus petits qui témoigneront pour eux et leur serviront de confession de foi. Quant aux croyants qui se déclarent pour le Christ devant les hommes, « il ne leur suffit pas de dire “Seigneur, Seigneur !” pour entrer dans le Royaume des cieux : il faut aussi qu’il fasse la volonté du Père qui est aux cieux » (Mt 7, 21). Au bout du compte, ce sont donc bien les œuvres de charité qui sont déterminantes, tant il est vrai que « celui qui n’agit pas, sa foi est bel et bien morte » (Jc 2, 17). Pourtant les actions rapportées sont bien ordinaires : nourrir un affamé, vêtir un démuni, accueillir un étranger, visiter un malade ou un prisonnier, rien de tout cela n’est hors de notre portée. L’accès au Royaume n’est pas une récompense pour bons et loyaux services. La pleine communion avec Dieu sera l’accomplissement de ce qui est déjà commencé dans le coeur de ceux qui ont écouté la voix de leur conscience et sont entrés en solidarité concrète avec leurs frères dans le besoin. Oui heureux sont-ils, car les œuvres qu’ils accomplissent ainsi dans l’Esprit de charité, purifient leurs cœurs et leur permettront au jour du jugement de voir Dieu et de le voir précisément sous les traits de ceux en faveur desquels ils se sont mis en peine.
Tous les hommes, les bons comme les mauvais, seront surpris par le jugement. Il ne sert donc à rien d’essayer de nous imaginer ce qu’il en sera : il vaut mieux mettre en œuvre ce qui ressort de la parabole. En commençant par mesurer l’enjeu de notre vie quotidienne : il ne nous sera pas donné d’autre temps ni d’autre lieu pour décider de notre sort éternel. C’est ici et maintenant, que le Seigneur se présente à nous sous les traits des frères et sœurs démunis avec lesquels nous cheminons sans les voir.
Abbé F. Fermanel