Le Messie, Fils de David, Roi d’Israël. Aujourd’hui nous accueillons bien un Roi mais ce n’est pas un Roi nouveau David, un chef de guerre rusé, maître des terres entre la mer et le Jourdain. Oui, il s’agit bien d’un Roi et il va bien être couronné. Mais sa royauté n’est pas de ce monde et ce n’est pas une couronne d’or qu’il reçoit mais une couronne d’épines. Aujourd’hui est le jour du grand malentendu. On accueille Jésus de Nazareth comme un Fils de David, celui qui va rétablir le Royaume et l’indépendance d’Israël avec puissance et gloire. Ce malentendu n’est pas seulement celui des habitants de Jérusalem. C’est aussi bien souvent notre malentendu. Nous acclamons l’Évangile, nous confessons notre foi et pourtant qu’il nous est dur d’accepter le chemin du Messie !
Nous aimerions passer d’un coup de la joie bruyante d’aujourd’hui à la joie tranquille de Pâques. Mais ces deux joies ne sont pas de même nature. Il y a la joie de qui chante parce que tous chantent, de qui crie parce que tous crient, la joie de la foule, une joie qui est toute extérieure alors que l’intérieur n’est pas en paix, une forme de “joie” que connaît bien notre monde. Et il y a une autre joie, la joie de qui accueille dans le silence d’un petit matin la révélation discrète d’un Jésus proche qui se « donne à voir ». C’est une joie toute personnelle en sa naissance, sans aucune foule, une joie toute intérieure, qui se communique par une parole habitée plus que par des chants enthousiastes. Et de même qu’il y a deux sortes de joie, il y a, dit Paul, deux sortes de tristesse : « la tristesse selon Dieu [qui] produit en effet un repentir salutaire qu’on ne regrette pas ; [et] la tristesse du monde, [qui] elle, produit la mort » (2 Co 7,10). Il y a la tristesse de celui qui se replie sur lui-même et sur sa souffrance et la tristesse de celui qui sort de lui-même et entre dans la douleur de l’autre. Il y a la tristesse selon le monde qui entraîne repli sur soi, isolement et découragement et il y a la tristesse selon Dieu, qui ne pleure pas d’abord sur soi mais sur le monde et sa souffrance, qui désire le salut et s’y engage.
Durant cette Semaine Sainte, demandons à entrer dans les sentiments intérieurs qui furent ceux du Christ : sa tristesse de voir tant de croyants ne pas le comprendre et mettre leur espoir dans ce qui ne peut sauver, l’incroyable néant intérieur de tant de vies humaines créées pourtant pour porter du fruit. Cette tristesse nous la connaissons…
Avec le Christ, c’est tout le peuple des souffrants, des découragés et des persécutés, que nous cherchons à accompagner. Avec le Christ, demandons à partager ses sentiments pour pouvoir également recevoir la joie qu’il nous promet… Oui, Hosanna, sauve-nous, de grâce Seigneur, donne-nous d’entrer dans ta Passion pour mieux recevoir de Toi notre Résurrection.
Abbé F. Fermanel