De tous temps, l’exemple de Thomas a frappé les esprits : il est la figure de celui qui veut des preuves, celui à qui on ne fait pas croire ce qu’il n’a pas vérifié par lui-même. Le parcours de Thomas peut nous aider à comprendre un peu comment la foi travaille, comme on dit d’un bâtiment, du bois ou du vin qu’ils travaillent, se transforment, se déplacent.
D’abord, à son premier degré, la foi n’est pas la crédulité. Thomas ne veut pas croire sans appuis, sans expérience personnelle, sans y avoir mis du sien, sans avoir trouvé de quoi se décider par lui-même. Jésus, en parlant de la fin des temps dans l’Évangile dira d’ailleurs : « Si on vous dit que le Christ est ici ou là-bas, n’y allez pas, ne le croyez pas » (Lc 17,23). C’est-à-dire : Ne vous laissez pas faire par la crédulité. On sait aussi que la plupart des récits de rencontre du Christ ressuscité dans les quatre évangiles mentionnent les doutes de ceux qui sont là, présents. Pour ce qui est de Thomas, sa difficulté à croire, son incrédulité, sa demande de vérification physique, sont rapportées par Jean dans leur précision quasi policière, et sans critique, sans jugement. Et Jésus fait de même. Il accueille sans réserve la requête de Thomas de toucher ses plaies. Et il va même au-devant de la demande de Thomas, en lui montrant lui-même ses plaies. Mais que cherche Thomas ? Comment travaille sa foi ?
Thomas veut s’assurer que la vision du ressuscité n’est pas une hallucination ou une compensation imaginaire qui aurait pu monter dans l’esprit des disciples déçus et déprimés et probablement assez honteux de ce qui s’est passé. Thomas veut être sûr qu’il rencontre bien vivant celui-là même qui revient de la mort. Le même, vraiment le même qui a été crucifié et que tous les disciples ont abandonné.
Quel écart entre la vérification que demandait Thomas et la profession de foi, l’acclamation émerveillée qu’il prononce : « Mon Seigneur et mon Dieu. » La foi lui fait franchir cet écart et l’a amené devant Dieu lui-même. La foi n’est jamais en continuité linéaire avec les preuves et les assurances que nous demandons. La foi nous fait aller au-delà, bien en avant de ce que nous demandions. Elle nous amène en présence du Dieu vivant, elle nous ouvre à la joie.
C’est pourquoi : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu ». Non pas heureux les crédules à qui on fait croire ce qu’on veut. Mais heureux ceux chez qui la confiance et le consentement ont creusé profond, ont travaillé le coeur et l’intelligence et ont traversé pour déboucher dans la confession de foi.
Abbé F. Fermanel