Dans l’Apocalypse, Jean voit au ciel la foule immense des élus : Ce n’est pas
un troupeau anonyme. Chacun y est appelé par son nom.
C’est aussi une foule qui suit Jésus. Une foule de pauvres gens, avec toutes les peines du monde inscrites sur leur visage. Et que fait Jésus ? Il fait la lecture de ces visages et de ces yeux tendus vers lui, et par ses paroles, il révèle la réserve secrète de bonheur, le germe secret de Paradis que tout homme porte en lui. Il contemple la promesse d’une vie éperdument heureuse, encore enfouie dans les visages qu’il regarde. Et il ose réveiller ce bonheur caché derrière la pauvreté, les injustices, les humiliations, les cris, les larmes. A ceux-là il affirme : « Heureux êtes-vous ! » Et il commence cette litanie obstinée du
bonheur, qui nous déconcerte, car l’homme qu’il déclare heureux, c’est celui
que nous pensons spontanément malheureux.
Au Ciel, Jean a été interpellé par un Ancien : « Mais tous ces gens vêtus de blanc, d’où viennent-ils ? » Réponse de Jean : « Ils viennent de la grande épreuve. » Quelle épreuve ? Celle à laquelle nous sommes tous soumis : L’épreuve de la vie. L’épreuve de la misère mais aussi de la richesse, l’épreuve de la maladie et de la grande vieillesse mais aussi de la santé, l’épreuve du monde auquel nous appartenons et dont nous connaissons les lois : posséder, paraître, dominer. Mais ces lois, les Béatitudes les contestent en remettant à leur juste place le pouvoir, l’argent et l’apparaître, afin de goûter le vrai bonheur dont Dieu seul a le secret.
Ces Béatitudes nous rejoignent dans ce qu’il y a de faible en nous, nous invitant à découvrir qu’il y a du bonheur et de la sainteté en germe dans notre pauvreté, dans nos faiblesses, dans nos larmes, dans les injustices subies. Et que c’est à partir de là, tels que nous sommes, que nous pouvons devenir des consolateurs pour les affligés, des cœurs purs, ouverts à tous sans retenir captifs ceux qu’ils aiment, des artisans de paix capables de désarmer la violence par leur douceur, et cette arme absolue qu’est la bonté.
Tous, sans exception, nous sommes appelés au bonheur et à la sainteté. Bien sûr, la plénitude de vie et de bonheur qui nous attend est en avant de nous, mais il n’est pas possible que quelque chose de cette joie future ne vienne pas refluer dès maintenant sur notre vie, pour l’irriguer et l’apaiser.
Voilà pourquoi Jésus ose nous parler au présent : « Réjouissez-vous, soyez
dans l’allégresse ! »
Abbé Frédéric Fermanel