L’œuvre de l’Esprit n’est pas de compléter ou de parfaire la mission du Christ comme si tout n’avait pas été accompli sur la Croix, et que quelque chose restait à faire. Non, tout a été fait. Mais tout reste à diffuser, à répandre, et pas seulement à répandre, mais à donner et à donner à tous. Et cette mission-là, qui commence le jour de la Pentecôte, c’est celle de l’Esprit chargé de dispenser partout et pour tous un salut universel et définitif, acquitté, absous de toute condition ou exclusion, travaillant à réaliser le projet de Dieu de s’incarner en toute chair, d’habiter dans le coeur et la conscience de chaque homme, annonce, prélude au retour et à l’habitation de tous les hommes dans la maison du Père.
Dans cette phase ultime de la révélation, l’humanité ne monte pas vers Dieu seule et de son propre mouvement, de ses propres forces, mais parce que Dieu vient la chercher, la rassembler par l’Esprit dans le Christ, parce qu’il se l’incorpore, la récapitule dans ce Corps nouveau, réconcilié avec Dieu, tout entier régénéré dans le Christ, ce Corps nouveau qu’est l’Église. Qui connait les vraies frontières de cette Église du Christ ? Pas l’Église mais l’Esprit. C’est l’Esprit qui donne à l’Église et à ses membres, à chacun de nous, latitude et longitude. Jésus n’a pas confié l’Esprit à l’Église : il a confié l’Église à l’Esprit, c’est l’Esprit, qui mène la barque, et pas la barque. L’Église, quant à elle, doit se laisser porter, transporter au vent de l’Esprit, fût-ce hors d’elle-même, en territoire inconnu, comme les disciples, à la rencontre de tous ceux qui ne sont pas du Cénacle, à la rencontre de tous. Un tous qui nous interdit nous chrétiens, toute forme d’exclusion, et même, nous appelle à être présents là où on les combat.
Ce critère doit être, pour l’Église, un critère majeur de sa vie et de son témoignage. Si le franchissement des frontières, des clivages et des préjugés est la marque de l’Esprit, chaque fois qu’on est tenté de repli ou de fermeture aux autres, aux différences, on peut être sûr qu’on s’éloigne de la grâce de la Pentecôte.
Comme les Apôtres au matin de ce jour, nous n’avons que notre porte à pousser pour rencontrer toutes sortes de Parthes, de Mèdes et de Crétois, tous ces incroyants dont plus d’un, nous sont proches, jusque dans nos familles, dont les mœurs et convictions nous déconcertent parfois comme une véritable langue étrangère. Avec eux, notre témoignage ne peut pas être pensé ni vécu comme un face-à-face avec quelqu’un qui, lui, n’aurait pas l’Esprit Saint. Ce sera plutôt d’écouter, avec lui, ce que sa langue maternelle lui donne, comme à nous, de dire et de vivre du désir de son coeur et de son intelligence où l’Esprit Saint travaille, comme en nous. Et d’être les témoins émerveillés des miracles que Dieu réalise partout, en nous et en tous par Esprit.
Abbé Frédéric Fermanel