L’écrivain Éric-Emmanuel Schmitt met dans la bouche de Jésus ces paroles adressées à un homme qui venait de perdre son fils aîné de 7 ans : « Ton fils est mort ? lui dit Jésus. Aime le encore plus. Et surtout aime les autres, ceux qui te restent, et dis-le leur. Vite. C’est la seule chose que nous apprend la mort : qu’il est urgent d’aimer » (in L’Évangile selon Pilate). L’homme est appelé à aimer, à découvrir qui est le Dieu révélé en Jésus-Christ et à porter des fruits. Un figuier est appelé à porter de bons fruits pour que d’autres s’en nourrissent ; c’est sa manière à lui, figuier, de participer au concert à la création.
Le propriétaire dit au vigneron de couper ce figuier qui ne porte pas de fruits. Dire qu’il va falloir couper le figuier, c’est indiquer la stérilité, c’est nommer ce qui ne va pas : Dieu est la vie qui se donne, la stérilité c’est le refus, souvent inconscient chez nous, de transmettre la vie. Dieu est la vie qui se donne. La mort c’est l’avarice du coeur. Nommer cette stérilité est déjà un signe de la miséricorde. C’est le signe que Dieu espère en l’homme ; cette parole témoigne de l’amour que Dieu a pour l’homme.
C’est une réaction humaine que nous vivons parfois à l’égard des autres : « il n’y a rien à tirer de lui », « laissons le tomber », « oublions-le », « virons-le ». « Pas la peine de nous épuiser davantage avec lui ou elle. » On dit cela d’un collaborateur, d’un employé, d’un enfant, d’un conjoint, d’un frère ou d’une soeur dans l’Église. Le vigneron espère que son travail et ses soins permettront de changer la conduite du figuier et qu’il donne des fruits. C’est une bonne nouvelle pour le figuier : tout ne repose pas sur lui, le vigneron va prendre soin de lui. La réponse du vigneron nous révèle l’amour de Jésus pour les pécheurs.
Nous croyons que l’amour c’est de nous sentir « bien » avec quelqu’un que l’on aime et qui nous aime. C’est vrai. L’amour c’est aussi de se laisser toucher comme Dieu s’est laissé toucher par les cris et la souffrance de son peuple. Jésus va plus loin en nous révélant, dans le mystère de l’incarnation, l’amour qui sort du coeur de la Trinité pour l’humanité qui s’enfonce dans la stérilité du coeur. Jésus s’est incarné pour nous témoigner de cet amour. Il est venu à la rencontre de l’homme au coeur endurci ; Jésus est venu nous tendre la main de la part de Dieu. La saisir ou l’ignorer dépend de notre liberté.
Entrer dans cette manière d’aimer à la manière du Christ est d’une fécondité extraordinaire. C’est ce que nous sommes appelés à vivre pendant ce Carême : une conversion. Il faut du temps pour consentir à accueillir le vigneron dans nos vies. Saint Paul relisant la sortie d’Égypte, va jusqu’à dire du peuple à la suite de Moïse : « Ils buvaient à un rocher qui les accompagnait, et ce rocher c’était déjà le Christ » (1 Co 10, 4). Ce rocher nous accompagne dans les joies et les malheurs de nos vies. Au lieu de rester assoiffés dans le désert de nos malheurs, récriminant contre Dieu, tournons-nous, re-tournons-nous vers ce rocher sourcequi nous accompagne et parlons-Lui.
Abbé Frédéric Fermanel