Jean le Baptiste nous appelle à la conversion. Il nous appelle à tourner notre regard vers un autre que nous-mêmes, à regarder ailleurs que ce qui vieillit en nous. Cette conversion, par laquelle nous lâchons un passé pour nous tourner vers du nouveau. Les pharisiens de l’évangile restent fixés à leur passé ; ils s’appuient sur leur généalogie : « Nous avons Abraham pour père ». Oui, mais Abraham est tourné vers Isaac, le fils de la promesse. D’une certaine manière, on peut dire que Jean le Baptiste a pour mission de ramener les pères vers les enfants, c’est-à-dire vers ce qui naît, vers ce qui vient. L’enfant, c’est l’avenir. Le Fils par excellence, le Christ, c’est l’avenir absolu.
En proclamant un baptême de conversion, Jean Le Baptiste, le passeur de témoin, structure le temps. Il le dit clairement : « Voici venir derrière moi un plus fort que moi… » En quelque sorte, le baptême de conversion ouvre un premier temps, une attente en vue de quelque chose d’autre. Mais si Jean le Baptiste met le peuple en attente, c’est pour quelque chose où il ne peut rien : il ne peut pas interférer dans ce qui est en route (il ne peut même pas retirer les sandales de celui qui vient), il ne peut interférer dans ce qui, de toute façon ne s’arrêtera pas. Jean le Baptiste se situe là, à la limite entre l’Ancien et le Nouveau testament. L’ Ancien Testament est fini. Quelqu’un d’autre est là pour accomplir du neuf.
D’une manière ou d’une autre, explicite ou confuse, lointaine ou récente, déstabilisante ou rassurante… Nous avons entendu dans notre existence que nous étions, nous aussi, destinataires d’une promesse, invités à faire du neuf. Et qu’il y avait pour nous un enjeu absolu dans cette invitation de nous tourner vers Celui qui seul peut nous apporter la vie.
Ce qui nous attend, Jean le Baptiste est là pour nous le rappeler une fois encore. Il nous demande d’être prêts à déchiffrer ce qui, en traits d’ombre et de feu, est sur le point de s’inscrire dans nos histoires : un déferlement de vie qui rend possible les fruits. De bons fruits, du grain de qualité qui est digne d’être amassé dans les greniers éternels. Quel que soit notre âge et notre histoire, il y a promesse de fécondité. Mais cette fécondité ne nous appartient pas, nous n’en sommes pas les maîtres. Elle est toujours différente de ce que nous avions prévu et programmé. Elle est don reçu, marque étonnante parfois surprenante, de l’attention de Dieu, de son passage, auquel au plus intime de nous-mêmes, nous aurons consenti. Accueillons pour aujourd’hui les fruits que son Esprit, toujours nouveau, toujours à l’œuvre, accomplit pour sa gloire et le salut du monde.
Abbé Frédéric Fermanel