Le temps du désert est aussi, nous dit l’Évangile, celui de la tentation. « Dans le désert il resta quarante jours, tenté par Satan ». Marc ne dit rien, dans le passage de ce dimanche, de la nature des tentations de Jésus. Il nous faut nous reporter aux autres Évangiles pour lire un accent particulier dans ces injonctions que Jésus adressera plus tard aux démons pour les faire taire, eux qui cherchent à crier sur les toits qu’il est Fils de Dieu. Pourquoi faire ainsi taire les démons qui le qualifient de Fils de Dieu, pourquoi demander aux malades guéris de se taire et de ne pas parler de celui qui les a guéris, sinon parce que ce terme de Fils de Dieu évoque puissance et majesté ?
Le règne de Dieu est tout proche. Mais par quelle voie, quel chemin, quels moyens hâter la venue de ce Royaume de Dieu ? Par la voie de l’efficacité immédiate, du prestige et de la puissance, ou par la voie de la pauvreté, de la remise de tout, et même de soi-même, aux mains des hommes, au risque de l’humiliation, de l’échec, et de l’extrême de la souffrance ?
Être « Fils de Dieu » … mais quel chemin choisir pour se comporter pleinement en Fils, et faire advenir le Royaume de Dieu dans un monde pécheur ? Jésus lui-même a été tenté, attiré par une autre voie que celle qu’il découvrira progressivement comme la sienne, voulue par le Père. Mais toujours il dira : « Que ta volonté soit faite, et non la mienne ». Le serviteur n’est pas plus grand que son maître. Si le Fils de Dieu, pour se préparer pleinement à sa mission, a dû vivre longuement dans la solitude et la prière, combien n’avons-nous pas nous aussi à sortir du vacarme qui risque de nous étourdir, à prendre de la distance par rapport à tout ce qui emplit nos journées, accapare notre attention, et nous détourne peut-être de l’essentiel ! Dans ce retrait, nous aurons aussi à affronter nos démons, nos tentations, nos peurs, nos attachements qui nous retiennent et nous empêchent d’aller de l’avant, mais nous pourrons aussi découvrir l’amour du Père qui nous conduira à la paix. À Jésus remontant du lieu où il avait été baptisé, se fit entendre « une voix venant des cieux : ‘‘Tu es mon Fils bien-aimé, en toi je trouve ma joie’’. » Et aussitôt l’Esprit le poussa au désert… Nous aussi sommes appelés à entendre cette voix nous dire : Tu es mon fils ou Tu es ma fille. Mais pour l’entendre, il nous faut accepter d’être entraînés au désert.
Ab. F. Fermanel