On ne sait pas pourquoi Zachée voulait voir Jésus, mais l’essentiel nous est dit : il cherchait à voir Jésus. L’évangile ne dit pas que Jésus cherchait à voir Zachée, mais Zachée, perché sur son arbre, échappait difficilement aux regards. Il suffisait à Jésus de lever les yeux pour rencontrer le regard de Zachée.
Avec cette rencontre, quelque chose de nouveau arrive à Zachée : il n’est pas habitué à ce qu’on pose les yeux sur lui comme le fait Jésus. Ce qu’il connaît bien, lui, le chef des collecteurs d’impôts, le pécheur public, ce sont les yeux qui se détournent sur son passage, les regards méprisants qui le blessent, même s’il sait bien où sont ses torts. Il était venu pour voir, et voilà que c’est lui qui est vu, et par quel regard ! Un regard, tout l’évangile l’atteste, qui ne rejette jamais, qui ne distingue pas entre les bons et les méchants, les purs et les impurs, qui ne juge pas, qui ne condamne pas. Un regard qui accueille, qui ranime. Un regard aimant et qui, par conséquent, fait vivre. Combien pourraient en témoigner !
Aujourd’hui le regard de Jésus s’adresse, en Zachée, à l’enfant de Dieu et au fils d’Abraham le croyant, qu’il n’a jamais cessé d’être, tout pécheur qu’il soit. Il était venu simplement pour voir, et il n’en croit pas ses oreilles quand il entend Jésus l’appeler par son nom, comme s’il s’agissait d’une vieille connaissance, et comme si Jésus n’était venu à Jéricho que pour le rencontrer, lui, si indigne aux yeux de tous, et sans doute aussi à ses propres yeux. Étonnement qui se transforme en joie quand il entend Jésus lui demander de descendre vite de son arbre parce qu’il veut loger chez lui.
En entrant dans sa vie, Jésus réveille chez Zachée ce qu’il y a de meilleur en lui. La présence de Jésus, le Pauvre par excellence, le dépouille de lui-même et de ses richesses. Le regard de Jésus transforme son propre regard sur ce qui comptait tant pour lui : l’argent. Il a suffi qu’une seule fois il soit accueilli dans l’amour, à travers le regard de Jésus, pour qu’il devienne capable d’accueillir les autres avec la même générosité : « Seigneur, je donne aux pauvres la moitié de mes biens, et si j’ai fait du tort à quelqu’un, je vais lui rendre quatre fois plus. »
Écoutons bien ce que Jésus dit alors : « Ton salut entre avec moi, car le Fils est venu chercher et sauver des gens tels que toi. » Au-delà de Zachée, ces paroles rejoignent chacun de nous, car chacun de nous est regardé par Jésus comme l’a été cet homme, et c’est à chacun de nous que Jésus dit : « Je veux loger chez toi. » Oui, c’est pour cela que Jésus est venu : pour nous toucher au coeur ; pour que la blessure de l’amour soit en nous plus forte que la blessure que nous fait le péché, et que, pour notre joie et pour celle de Dieu, soit sauvé en nous ce qui est perdu ou en péril de l’être.
Abbé Frédéric Fermanel