Les Mages sont des chercheurs de sens, des veilleurs attentifs à ce qui survient dans leur vie et dans le monde. Des hommes qui se sont mis en route, et qui sont passés par des tours et des détours avant d’arriver là où Dieu les attendait. Car l’étoile ne leur a pas indiqué ce qui allait leur arriver, mais bien ce qui était déjà arrivé.
Dans leurs pérégrinations, les mages ne sont pas allés directement au lieu de la Nativité. Et ce n’est pas surprenant : lorsque l’on recherche un roi, on va d’abord spontanément le chercher dans un palais, ici le palais d’Hérode. Ce n’est pas là qu’ils trouveront leur roi, mais ce détour est pourtant important. Et l’évangéliste rappelle ainsi que la révélation du Messie ne rend pas pour autant obsolète la première Alliance : c’est bien à Jérusalem que se rendent les Mages car « le salut vient des Juifs » (Jn 4,22). Mais voilà, cette fois-ci ce n’est pas dans un palais à Jérusalem mais dans une étable à Bethléem que tout se passe, et le peuple juif, pourtant concerné par la venue de son messie, « fut pris d’inquiétude » et il ne bouge pas. Il rate le rendez-vous, il n’est pas là où il devrait être, il ne se met pas en route comme les Mages qui vont poursuivre leur chemin jusqu’au lieu de la manifestation, de l’Épiphanie.
La quête des Mages nous parle de notre itinéraire à chacun vers ce qu’il y a de plus essentiel. Nous savons bien que notre vie, notre vie de foi, n’est pas linéaire. Elle connaît elle aussi, des tours et des détours, des arrêts et des remises en route.
Qu’en est-il pour nous ? Finalement que cherchons-nous ? Qu’est-ce qui nous aide à avancer ? Quelle étoile nous conduit, les uns et les autres ? Vers quelles lumières nous tournons-nous ? Au milieu de toutes les lumières clinquantes de notre société, qui risquent de nous éblouir et de nous faire perdre notre route, qui nous guide ? Et devant quoi, devant qui, nous prosternons-nous ?
Quand nous relisons notre histoire, il n’est pas rare de pouvoir reconnaître que nous aussi, nous avons été conduits, alors même que nous avancions dans une certaine nuit personnelle. Le Seigneur ne nous est pas qu’extérieur, il est déjà en nous. Et la présence de son Esprit, présence intime, discrète et mystérieuse, nous met en route – autant que nous le laissons faire – vers ce qu’il y a de plus important : la rencontre de Celui qui seul peut donner à nos existences, quelles qu’elles soient, leur poids de vérité et d’amour, leur plein épanouissement au coeur même de tout ce qui limite nos parcours de vie. « Quand ils virent l’étoile au-dessus du lieu où se trouvait l’enfant, ils éprouvèrent une très grande joie ».
En nous prosternant devant l’Enfant divin, il nous faut donc consentir à une profonde conversion, à un chamboulement de nos valeurs. Ce n’est qu’au prix d’un changement radical de notre regard sur les situations, les événements, les personnes, sur Dieu lui-même aussi, que nous pourrons reconnaître en cet Enfant le don de Dieu qui surpasse toutes nos espérances, et fait véritablement toutes choses nouvelles.
Abbé Frédéric Fermanel