Aux cœurs endurcis de ses détracteurs, Jésus parle comme le font les prophètes : il annonce la volonté de Dieu et dénonce ceux qui trafiquent la loi à leur profit, comme les pharisiens, justement, qui invoquent Moïse pour pouvoir répudier leur femme. Jésus choisit de citer le premier chapitre de la Genèse pour rappeler les fondements de l’union d’un homme et d’une femme : Se donner, Renoncer, Consentir.
D’abord se donner. « Je te reçois comme époux(se) et je me donne à toi » propose une formule du rituel du mariage. On ne peut qu’être impressionné par cette affirmation : je me donne à toi. Donner, pas prêter pour un temps. Me donner à l’autre qui me reçoit comme un don. Dès lors, il y a du toi en moi et du moi en toi. C’est le chemin pour ne devenir qu’un. Non pas je + tu, mais nous deux. C’est bien le fond mystérieux de notre désir le plus humain. Le même chemin sur lequel Jésus nous précède : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. »
Renoncer. Pour donner, il faut renoncer à garder. Pour s’attacher vraiment à son conjoint, il faut quitter son père et sa mère. Choisir vraiment son conjoint demande de renoncer aux autres conjoints possibles que j’aie rencontrés précédemment et que je peux encore rencontrer. Il faut reconnaître aussi que notre société nous fait croire en permanence que nous pouvons tout choisir sans renoncer à rien. La publicité et le crédit sont les vecteurs puissants de cette croyance qui nous imprègne. Nous savons bien aussi que dans le domaine du choix et du renoncement, c’est le Christ qui est notre modèle et c’est son Esprit qui est notre force.
Consentement. « Ce n’est pas l’amour qui fait le mariage mais le consentement. » Cette phrase se trouve dans Le soulier de satin, pièce de théâtre de Paul Claudel. Notre rituel du mariage parle d’échange des consentements. Il ne parle pas de partage des sentiments, d’accord sur un projet ou de signature des engagements. Évidemment c’est bien le sentiment qui rapproche progressivement un homme et une femme qui se choisissent. Mais il n’y a aura vraiment mariage que par cette transformation des sentiments en consentement. Consentir à l’autre c’est croire en lui, l’accueillir sans conditions, parce que c’est lui, parce que c’est elle. Par le consentement, j’aime l’autre dans sa différence, dans son mystère, dans ce qui m’échappe de lui, d’elle.
Xavier Lacroix, laïc marié, philosophe et théologien, écrit sur le mariage ces propos éclairants : « Au fond l’alternative est la suivante : ou bien le lien conjugal n’est que le résultat de l’intersection, de l’alchimie qui résulte de l’interaction entre deux psychismes, caractères, tempéraments, histoires, ou bien il est aussi le lieu d’affleurement, de révélation, de donation d’une vie autre, introduction à une vie nouvelle, plus originaire et plus universelle que celle de nos deux ego, la vie absolue, qu’en judéo-christianisme nous nommons agapè, l’amour-charité. »
Abbé F. Fermanel