Un chrétien est quelqu’un qui vit « dans le nom » du Père et du Fils et de
l’Esprit, c’est-à-dire dans une présence, puisque nommer, c’est rendre
présent. Pas du Père seul, ni du Fils seul, ni de l’Esprit seul. C’est que
notre Dieu n’est pas solitude. Il y a de l’autre en Dieu. Il y a de la différence
en Dieu. Notre Dieu n’est pas seulement Un. Il est en même temps
communion… Communion d’amour.
C’est un mystère, mais un mystère au sens chrétien du terme, c’est-à-dire
« une réalité qui donne à penser, mais une réalité vertigineuse, insondable en
elle-même, que l’esprit humain ne pourra jamais étreindre ni se représenter
clairement » (Gabriel Marcel). C’est une réalité qui donne à penser, mais qui
donne à penser à l’infini, sans que la pensée ne puisse jamais s’arrêter. En
outre et surtout, c’est une réalité obscure en elle-même, si l’on veut, mais qui
éclaire ce qui est autour d’elle.
Ainsi en va-t-il du mystère de la Trinité, de Dieu Trinité. Cette réalité, en
elle-même, ne nous dit peu. Mais si nous faisons appel simplement à notre
expérience humaine, cette trinité de communion peut être éclairante pour
notre expérience même. Le chiffre trois d’ailleurs n’est-il pas, au fond, le
chiffre de la vie même ? La solitude, ce n’est pas une vie. « Il n’est pas bon
que l’homme soit seul », se dit Yahvé au livre de la Genèse. « La solitude est
mauvaise conseillère », dit la sagesse des nations. Deux, ce n’est pas
beaucoup mieux. Quand on est deux, face à face, deux seulement, l’issue est
facile à prévoir. On a le choix : ce sera le totalitarisme ou le narcissisme. Ou
bien l’un finira par manger l’autre, par le dominer, par lui imposer sa loi, par
l’écraser. Ou bien chacun passera sa vie à se contempler, à s’admirer dans le
regard de l’autre, stérilement.
Trois : c’est le chiffre de l’amour. Tous les amants du monde le savent. Il
y a lui et elle. Mais, entre eux, il y a un troisième : leur amour. Leur amour,
comme une réalité, comme une personne au moins aussi réelle qu’euxmêmes.
Aussi réelle et même plus puissante que chacun d’eux, puisqu’elle
les a réunis. Et d’ailleurs cet amour ne tarde pas à prendre chair. C’est
l’enfant : le symbole, la présence, la chair même de leur amour.
Dire que Dieu est Trinité, c’est dire simplement que Dieu est amour.
L’amour n’est pas un attribut de Dieu, fût-il le premier. L’amour est l’être
même de Dieu. Dieu est communion d’amour. Dieu est l’amour absolu. Pas
l’amour solitaire : il n’y a pas d’amour solitaire.
Ab. F. Fermanel
An nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit
27 mai 2024