Cela veut dire avant tout s’attacher à Dieu comme à Celui qui est notre Créateur et Seigneur, l’adorer de tout notre être, s’en remettre à lui de manière exclusive (c’est-à-dire en renonçant du même coup à se prosterner devant des idoles) ; aimer son prochain comme soi-même, cela veut dire : faire pour notre prochain ce qui est important pour lui, se donner à lui de la même manière que nous prenons soin de nous et de notre propre vie. Et pourtant, même si ces deux commandements ne sont pas du même ordre, Jésus nous dit bien du second qu’il est « semblable » au premier. Car ce qui est impliqué par l’un comme par l’autre, c’est la même disposition fondamentale qui consiste à aimer, c’est-à-dire à se donner, et selon l’Évangile on ne se donne pas vraiment à Dieu si l’on ne se donne pas aussi à son prochain ; c’est ce que reprendra la première épître de Jean : « Si quelqu’un dit : “J’aime Dieu” et qu’il déteste son frère, c’est un menteur : celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, ne saurait aimer le Dieu qu’il ne voit pas. Oui, voilà le commandement que nous avons reçu de Lui : que celui qui aime Dieu aime aussi son frère » (1Jn 4,20-21).
Dans l’enseignement de Jésus il y a une autre nouveauté. Il ne dit pas seulement que le second commandement est semblable au premier, il ajoute : « Tout ce qu’il y a dans l’Écriture – dans la Loi et les Prophètes – dépend de ces deux commandements. » Cette parole de Jésus nous révèle plus encore ce que Lui-même a vécu : si tout, dans les Écritures, dépend des deux commandements, il est clair que Jésus, qui précisément a accompli les Écritures, a lui-même répondu en toute perfection à l’exigence de ces deux commandements. Il a aimé son Père de tout son coeur et de toute son âme, accomplissant jusqu’au bout la mission qu’il recevait de lui ; Il a aimé son prochain jusqu’au bout, c’est-à-dire toute l’humanité, pour laquelle il est allé jusqu’à donner sa vie sur la croix. Cette croix sur laquelle Jésus a été élevé en même temps que, par ses bras suspendus, il témoignait de son don « pour nous et pour la multitude ».
Et si toute notre vie devait dépendre, à son tour, de ces deux commandements de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain… C’est bien là, en effet, notre vocation de baptisés. Nous sommes appelés à nous détourner des idoles, à adorer Dieu comme notre Seigneur, à l’aimer par-dessus tout ; nous sommes en même temps appelés à aimer notre prochain comme nous-mêmes, et à savoir le manifester quand l’occasion nous en est donnée – que ce soit par une parole, par un geste, ou par notre simple présence. Cette seconde exigence est semblable à la première, et tout dans nos vies doit dépendre de ces deux commandements : alors seulement nous serons, en vérité, disciples du Christ.
Abbé Frédéric Fermanel