L’évangile du jour nous transporte dans le temple de Jérusalem : Jésus est confronté à un complot mis en œuvre par deux groupes juifs qui, tout en se détestant, s’opposent à lui : les hérodiens, inféodés au pouvoir de l’occupant romain et les pharisiens, soucieux d’appliquer strictement les règles de la Loi de Moïse. Pour le faire chuter, ils lui posent une question : « faut-il payer l’impôt à César ? » S’il dit non, il pourra être arrêté pour propos révolutionnaires. S’il dit oui, il sera déconsidéré aux yeux des juifs, qui attendent un Messie libérateur. Jésus va prendre ses interlocuteurs à leur propre piège en leur demandant de lui montrer la monnaie de l’impôt. C’est la monnaie romaine, à l’effigie de l’empereur, qui demande d’être vénéré à l’égal d’un dieu. Ainsi, ils ont fait entrer une image idolâtrique dans le temple du vrai Dieu ! « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu », leur dit Jésus.
Comment comprendre cette parole ? Jésus veut nous dire que César n’est pas Dieu et que Dieu n’est pas à l’image de César. La réponse de Jésus s’adresse aussi à nous aujourd’hui. D’une part, il nous ouvre les yeux sur l’idolâtrie possible (et fréquente !) de l’argent, de la réussite à tout prix, du pouvoir. D’autre part, il nous enseigne que le Dieu auquel on doit rendre un culte n’est pas un despote, devant lequel on doit s’aplatir et qui dominerait nos vies. Jésus nous oriente vers une autre image de Dieu, un Dieu qui s’est mis à notre taille, qui s’est fait « le Très Bas », qui s’est fait le serviteur de tous et est allé jusqu’au bout de l’amour, jusqu’à donner sa vie.
Rendre à César ce qui lui appartient et pas plus, et donner à Dieu tout ce qui lui revient. Comme les pharisiens ou les hérodiens, nous récusons facilement une des deux dimensions de la vie humaine : la responsabilité pour le monde où nous vivons et la relation spirituelle première à Dieu. Jésus nous invite à tenir les deux à la fois, la présence dans le monde, sans être du monde, et la présence à Dieu.
Le monde a besoin de nous et nous du monde, mais nous ne devons pas oublier que notre engagement vient de plus haut. N’oubliez pas, nous dit Jésus, que vous êtes, vous, à l’image, à « l’effigie de Dieu ». Le chrétien ne vit que la vie ordinaire, mais il la vit autrement, il la vit saintement, il la vit librement, à la manière de Jésus lui-même. Comme le dit l’apôtre Paul aux chrétiens de Thessalonique : « que votre foi soit active, que votre charité se donne de la peine, que votre espérance tienne bon... » (1Th 1,3). Le secret est tout simple : demeurer en Dieu le Père et en Jésus-Christ tous les jours, chercher toujours en lui le centre et la source de notre vie.
Abbé Frédéric Fermanel