L’évangile de ce dimanche entrelace deux images à travers deux paraboles, celle du pasteur et celle de la porte. Que faut-il comprendre ? Jésus est-il la porte par laquelle il faut passer, ou le vrai berger, celui qui passe par la porte et n’escalade pas la clôture ? Il n’y a pas en fait d’incohérence entre les deux : le Christ est à la fois la porte et le berger. Mais pourquoi Saint Jean a-t-il jugé bon de conjuguer ces deux thèmes ? Dans sa controverse avec les pharisiens, Jésus essaye d’abord l’image du berger. Mais comme ils ne comprennent pas ce qu’il voulait leur dire, nous dit le texte, il va utiliser celle de la porte. Au fond, on pourrait dire que notre texte met en images ce que Jésus synthétisera un peu plus loin dans ce même évangile en disant : « Je suis le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14,6). Le chemin, le passage obligé, c’est la porte. L’opposition entre le vrai et les faux bergers nous renvoie au Christ de vérité. Enfin tout se conclut par une autre opposition : celle entre la mort et la vie. Alors que les voleurs viennent pour piller et détruire, le vrai berger est « venu pour que les brebis aient la vie, la vie en abondance ».
Passer par la porte, c’est donc emprunter le passage obligé de la détresse de l’homme. De sa naissance à sa mort, Jésus est « passé par là », à la différence des mauvais bergers qui, eux, en restant au-dessus du troupeau qu’ils exploitent, font l’économie de cette solidarité. En fait, ce qui fait l’autorité du pasteur, c’est le lien d’amour entre les brebis et lui. Et ce lien d’amour trouve sa source dans le fait que le Pasteur est chez lui dans la bergerie. « Il est venu chez les siens » (Jn 1,11). Ce qui justifie l’autorité du Christ, c’est ce qu’il révèle dans le prologue de l’évangile de Jean : « Moi je suis venu pour qu’ils aient la vie et qu’ils l’aient en abondance » (Jn 1,10). « Sortir », « conduire dehors » sont des mots de Pâques. Le Christ est venu pour ouvrir une issue à notre monde enfermé dans l’enclos de la mort. Et dans cette œuvre, il se révèle lui-même comme le passage.
Être Seigneur, être Celui qui conduit son Peuple, c’est se faire serviteur. Être en situation d’autorité, c’est se mettre au service d’une croissance. Être Dieu, c’est désirer de tout son être que surgisse la liberté de l’homme.
Imiter le Christ signifie donc pour nous, être aussi dans ces mêmes attitudes qui peuvent parfois demander courage et constance. Nous n’avons pas à chercher loin les lieux de nos vies et de nos sociétés où nous pouvons dénoncer les enfermements, démasquer ceux qui volent, et veulent se faire passer pour des bergers, mais nous pouvons surtout indiquer des chemins et permettre des passages.
Mais rien de cela ne sera possible si nous ne prenons pas le temps d’entendre cette voix qui nous appelle, chacun, chacune, par notre nom, et nous murmure chaque fois que dans nos existences notre pied hésite ou notre horizon se rétrécit : « Viens avec moi, je sais par où passer ».
Abbé Frédéric Fermanel