Les Actes des Apôtres nous rapporte le retentissement de l’événement de la Pentecôte. Les foules assemblées d’origines culturelles diverses entendent le message dans leur propre langue. Les interprètes et traducteurs furent donc inutiles : chacun entend le même chose, et pourtant chacun n’entend que sa propre langue. Loin d’être banal ou anecdotique, c’est tout le dessein de Dieu sur l’humanité qui est ici dévoilé.
L’Écriture situe clairement cet événement par rapport à un autre bien connu : la Tour de Babel. Le dessein des hommes à Babel et le dessein de Dieu à la Pentecôte. Babel c’est l’oeuvre commune où tous et chacun seraient attelés ; c’est de chercher une unification telle que chacun parlerait la même langue, serait identique à tous les autres. Le symbole en est une tour pour atteindre le ciel, mais en effaçant les différences des cultures et des projets humains. Babel, c’est la tentation d’un monde où règnerait l’identique, l’homogène, l’égalité parfaite, et d’où seraient écartées les différences, les diversités, la pluralité. Or Babel échoue, sans doute selon la Bible par une intervention de Dieu, mais parce que ce projet est intrinsèquement contradictoire : comment faire l’unité de tous en gommant les différences qui font la richesse de l’humanité ? Comment vouloir que tous parlent dans une même langue qui serait la langue de tous parce qu’elle serait la langue de personne ?
Le dessein de Dieu sur l’humanité n’est pas l’unification réductrice, l’éradication de la diversité des cultures et des langues, la soumission de tous. Dieu-Trinité en lui-même est Communion. Il est le Dieu de la communion des diversités où chacun trouve sa juste place sans renoncer à son identité propre. A Jérusalem ce jour-là, les cultures ne sont pas niées ou ignorées : c’est en leur sein, du dedans d’elles-mêmes qu’elles entendent la même parole d’élection et d’amour, la même Bonne Nouvelle.
Comment ne pas sentir et comprendre l’actualité de ce message ? Car les hommes ne cessent pas de rêver de Babel, d’un monde unifié par le nivellement, les comportements communs, d’une Cité où les différences auraient été supprimées : tous égaux, tous pareils, tous interchangeables, tous au même prix (donc sans prix et sans valeur), jetables, éjectables, biodégradables. Mais le dessein de Dieu pose la différence et l’unicité de chaque personne humaine, différence entre les sexes et non uniformité, différences entre les cultures dans le respect des hommes et des femmes qui y vivent. C’est à l’Église et donc à chacun d’entre nous de comprendre et d’honorer cette manière de vivre le monde. L’Esprit de Pentecôte nous invite à être catholique, c’est à dire à un universalisme ouvert à cette diversité de l’humanité qui est appelée à confesser dans le Christ l’unique principe de Salut.
Abbé F. Fermanel