L’image du vigneron qui veille à sa vigne est simple. Il enlève les sarments secs
et les brûle. Il passe aussi à travers sa vigne au printemps et coupe certains sarments verts, plein de vie et de dynamisme, parce que cela ferait trop de sarments et que, s’il les laissait tous pousser, l’énergie de la vigne passerait dans des branches et des feuilles et les raisins ne seraient pas très beaux. Alors, comme la vigne est appelée à donner du raisin et finalement du vin, il coupe, il émonde afin qu’il y ait de beaux fruits.
C’est vraiment sagesse humaine et divine de découvrir que s’engager vraiment
dans un choix produit des fruits si nous y consacrons du temps, du travail, de la
patience, de la présence, de la fidélité. On ne peut pas faire à la fois ceci et cela. Pour faire ceci, il faut renoncer à vouloir faire aussi cela en même temps, même si c’est bon. Nous avons souvent à choisir entre plusieurs choses bonnes. Dans nos actions comme dans nos relations. Il y a là une expérience de limitation. C’est notre épreuve, elle nous conduit à consentir à l’incarnation. Le Père Teilhard de Chardin distingue dans sa réflexion les souffrances de croissance et les souffrances de diminution. A travers la vie, Dieu nous émonde.
Mais si ce niveau de la sagesse est juste, nous comprenons aussi cette parole de Jésus au-delà de la sagesse. En effet c’est au seuil de sa passion, au coeur du mystère pascal, que Jésus parle ainsi à ses disciples, après le lavement des pieds. Il s’apprête à porter du fruit de manière nocturne en restant fidèle à la mission que le Père lui a confiée. Le fruit de l’arbre de la croix sera l’homme nouveau.
En ce jour nous fêtons aussi l’alliance conjugale et nous rendons grâce pour la
circulation de vie et d’amour qui anime la vie d’un couple. Elle témoigne pour nous du mystère de la vie et de l’amour trinitaire. Nous n’oublions pas non plus les moments plus douloureux qui conduisent des chrétiens à vivre quelque chose du mystère pascal dans cet itinéraire conjugal adossés à la foi du Christ. D’autres
chrétiens sont appelés à vivre la même radicalité : un couple âgé qui ne peut plus
quitter son appartement et qui se trouve inutile au soir d’une vie heureuse et bien
remplie, par exemple. Ils sont appelés à consentir à ce que le Christ vive en eux
aujourd’hui sa fidélité à l’alliance avec Dieu. Ils sont appelés à ne pas quitter le lieu où ils sont mis par la vie, à demeurer là, à ne pas s’enfuir, à se laisser irriguer par la foi du Christ.
La sève qui passe de la vigne aux sarments, du Christ à nous ses disciples, ce sont les paroles de Jésus : « Si vous demeurez en moi et que mes paroles demeurent en vous ». Nous ne sommes pas seuls, nous sommes appuyés sur une circulation de vie qui vient du Christ et qui, à travers nous, porte du fruit. Il dépend de nous d’écouter la Parole de Jésus, de la méditer, de prier l’Esprit Saint pour qu’elle vive en nous. Avec Marie et toute l’Église tournée vers le Père, prions-le de nous envoyer l’Esprit pour que le Christ vive en nous le mystère de sa passion et de sa résurrection.
Abbé Frédéric Fermanel
Le fruit nouveau d’une humanité libérée
28 avril 2024