…c’est la manifestation de Dieu dont son Fils resplendit. Jésus, qui s’expose à son Père dans l’ouverture radicale qu’il fait de lui-même, rayonne, est illuminé, éclairé par l’être même de Dieu. Plus encore, il devient lui-même la lumière qu’il reçoit, qu’il accueille et dont il vit pleinement.
Il y a de la joie et du bonheur à contempler cela. Il y a de la joie et du bonheur à en être témoins, et à goûter cette manifestation-révélation de Dieu. Et cette scène fait peut-être écho à ces quelques moments, souvent trop rares à notre goût, quand la présence de Dieu, d’une manière ou d’une autre, s’est fait proche et a projeté sur nos vies une lumière particulière. Comme Pierre, nous avons pu dire : oui, « Seigneur, il est heureux que nous soyons ici » (Mt 17, 4).
Cette transfiguration n’est pas réservée à Jésus : Il est le premier des Hommes, celui qui attire toute l’humanité pour qu’elle entre avec lui dans la lumière de Dieu. Ce qui signifie que notre vie à chacun, chacune, est aussi appelée à être transfigurée par la fulgurance d’un amour capable de rendre lumineux tout ce qui nous constitue, corps et esprit, mais aussi relations et activités, sans oublier précisément ce que l’on veut oublier : toutes les obscurités de nos vies.
L’enjeu pour nous est donc bien, comme Jésus, de vivre de Dieu. Et ainsi, en nous ouvrant à lui, de déployer totalement notre humanité, d’accomplir notre vocation humaine. Pour cela, le Christ indique le chemin, celui qui descend de la montagne et conduit à Jérusalem.
Pierre ne sait pas ce qu’il dit lorsqu’il demande que le temps s’arrête et que l’on dresse trois tentes. Il voudrait rester dans l’extase, goûter au bonheur de cette présence. Dans l’effervescence du moment, il ne saisit pas qu’il faut avoir connu « Jésus défiguré » pour comprendre « Jésus transfiguré ». Qu’il est impossible de comprendre la gloire du Christ sans passer par sa croix. Qu’il est illusoire de vouloir connaître Dieu sans passer par l’homme. Jésus transfiguré, c’est Dieu présent à tout homme défiguré.
En d’autres termes, la Transfiguration, c’est la réponse divine de l’amour inconditionnel comme seule force de transformation d’une humanité défigurée. A la fin du récit de la Transfiguration, Jésus se retrouve seul, comme il sera seul la nuit de l’Agonie, les disciples apeurés sont silencieux. Sur son ordre, il leur faut pourtant redescendre, replonger dans la vie de tous les jours et « l’écouter ». Pas question de s’installer, pas question de vivre à l’écart du quotidien. La foi est enracinement dans la vie concrète, mais avec un regard nouveau sur nos vies, nos relations, nos activités...
Dans notre marche de Carême, que la contemplation de Jésus transfiguré nous soutienne et nous aide à dépasser nos peurs pour l’écouter. C’est par lui que nous vient la lumière, celle de la nuit de Noël et celle du matin de Pâques, la seule qui puisse donner à nos vies l’éclat d’un amour total et invincible, la seule qui nous fasse regarder le monde en sachant dès aujourd’hui qu’il est définitivement sauvé.
Abbé F. Fermanel