Le prophète Isaïe, la vierge Marie et l’apôtre Paul nous parlent d’une joie qui traverse leur existence qui vient d’une parole entendue, accueillie, crue avant même sa réalisation, son accomplissement. La trace de cette Parole est la joie qu’elle laisse en celui qui s’est laissé traverser, dépouiller par elle. Joie qui libère, joie qui redresse, joie qui permet d’avancer, de bondir, de franchir les montagnes (Is 52,7) ou de courir de par le monde comme Paul (2Tm 1) pour aller annoncer la Bonne Nouvelle… Mais joie aussi qui dépouille son porteur pour lui permettre d’accueillir davantage : pour obtenir de nouvelles richesses encore plus grandes, à l’image de l’homme, dans la parabole de l’Évangile de Matthieu qui trouve un trésor dans un champ et s’en va, ravi de joie, vendre tout ce qu’il possède pour acheter le champ… et le trésor (Mt 13, 44) ! C’est ce qu’a compris et ce que chante Marie : « il renvoie les riches les mains vides (…) il comble de bien les affamés ! »
Jean le Baptiste est pour nous aujourd’hui l’illustration de ce dépouillement total. Lui qui vit dans la solitude, le désert, lui qui s’est détaché de toute richesse, il n’est plus qu’une voix qui crie dans le désert. Non pas qu’il n’existerait plus, que son humanité ou que son identité serait rabaissée voire niée. Signe, au contraire, qu’il n’existe plus qu’en raison de cette parole qui l’anime et le traverse, parole qu’il porte et qu’il transmet librement. C’est comme le corps d’un instrument de musique qui n’a de sens qu’en raison du son qu’il donne à entendre… Jean le Baptiste est traversé comme un souffle par cette joie de l’attente. Joie qui éclatera, un peu plus tard, lorsque ses amis viendront lui demander son avis sur cet homme Jésus qui baptise lui-même à son tour… Jean leur répondra en utilisant l’image de « l’ami ravi de joie à la voix de l’époux » et leur dira : « ma joie est parfaite » (Jn 3,29).
Joie qui vient du Christ. Lui qui dira à ses amis, à l’autre extrémité de l’Évangile, la veille de sa passion, « je vous ai dit tout cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite » (Jn 15,11). Seul le Christ, Parole vivante, Verbe éternel du Père, peut nous donner la plénitude de cette joie qui nous fait vivre. Le Christ lui-même est cette joie totale de nos vies.
Mais seuls ceux qui sont purifiés peuvent découvrir et accueillir cette joie. Seuls ceux qui acceptent de se laisser laver par cette eau que verse Jean le Baptiste. Quel peut-être pour moi aujourd’hui cette eau qui me purifie ? De quoi peut-elle me purifier et ainsi me disposer à accueillir cette joie ? « Aplanissez le chemin du Seigneur », nous crie Jean le Baptiste, autrement dit déblayez le sentier pour que le Seigneur puisse venir à vous sans peine. N’ayez pas peur de vous laisser dépouiller par cette joie de Dieu ! Cela peut-être recevoir en ces jours le sacrement du pardon : s’en remettre à un autre en me déchargeant, en me dépouillant de ce qui m’encombre et me rend et me maintient triste. Me désencombrer pour être comme cet instrument de musique qui se laisse finalement traversé par le souffle de l’Esprit. Pour devenir cet instrument entre les mains de Dieu qui chante sa joie, la joie de Dieu, pour tous les hommes… en toute humilité.
Abbé F. Fermanel